Dans un train immobilisé en rase campagne entre Paris et Nantes à la suite d'un « incident de personne » (un suicide), un homme, qui revient de Chypre en ayant tout perdu, raconte sa vie à l'inconnue assise à côté de lui. Il lui parle de la nostalgie et de la mélancolie, évoque les fantômes de l'enfance, ponctuant son récit des vies de personnages magnifiques - le Japonais qui convainc les candidats au suicide de ne pas se jeter du haut des falaises, le Chypriote qui offre au narrateur la douille de la balle qui a servi à assassiner son frère.
Il raconte tranquillement, sans emphase, sans colère, et la jeune femme l'écoute, ne pose que de rares questions. Pendant ces heures d'attente dans la nuit, quelque chose se tisse entre eux. Mais bientôt, le train repart... Eric Pessan nous entraîne dans un roman intelligent, subtil, et d'une belle humanité. Le romancier ici nous parle de son propre chagrin en nous racontant « d'autres vies que la sienne ».
Muette s'enfuit de chez elle, dans la campagne des bords de Loire, un jour chaud de printemps. Elle a prémédité sa fuite, entreposé nourriture et couchage pour se réfugier dans une vieille grange à une heure de chez elle en plein bois. Ses journées à arpenter prés, ruisseaux et forêts, à dénicher lapins ou chevreuils sont ponctuées des réminiscences du temps d'avant, des remarques stéréotypées de ses parents, de leur peur de tout, de leur manière de ne pas la considérer en tant que personne. A 16 ans, elle est très résolue dans son choix de couper avec ce monde-là.
Jusqu'à la fin inattendue et singulière...
La fugue d'une ado mal dans sa peau, en pleine mue, qui préfère fuir que se révolter, qui ne veut pas renoncer et va vivre une vie sauvage en fille des bois qui aurait tous les référents de notre monde globalisé, toutes les images de cinéma sur les risques encourus, toutes les peurs de l'inconnu que sa mère lui rabâchait. Une fille des bois à l'heure d'internet.
On ne peut qu'être envoûté par Muette, son monde intérieur, son mal être, ses désirs d'ado, " le fouillis de ses pensées ", son amour de la nature. On se glisse avec une étonnante empathie dans ses pensées, ses aventures. On la suit et on la reconnaît, tant la justesse, la délicatesse du récit, au plus près de ses émotions, de ses impulsions, de ses souvenirs sonnent juste.
Le soir du second tour des élections présidentielles la ville s'embrase, le pire est arrivé. David se retrouve à déambuler face aux émeutes et à sa vie ratée. Mina, elle, a préféré s'embarquer sur un cargo vers les Antilles pour ne pas assister à la débâcle. Deux êtres en proie à l'impuissance d'aimer qu'une nuit de cataclysme va profondément changer. Deux voyages intérieurs qui s'entremêlent en fiévreuses et subtiles sinuosités.
Eric Pessan poursuit une oeuvre singulière, souvent mélancolique, explorant les liens étroits entre la vie intime et le désarroi collectif, qui empêche parfois jusqu'à la possibilité de se réinventer.
David a demandé un congé sabbatique à la radio où il travaille à Bordeaux pour se mettre en quête de son grand-père et de son père partis, l'un après la guerre, l'autre en 1975 (il avait 2 ans), pour Lisbonne et dont la seule chose que sa mère lui ait dite c'est qu'ils étaient devenus clochards.
Et c'est la hantise du narrateur : toute son enfance, il a entendu mère et grand-mère maudire les hommes, tel père tel fils... Aussi quand sa compagne lui signifie son désir d'enfant, il décide de se rendre à Lisbonne à la recherche d'un fantôme de père qu'il lui semble voir dans chaque clochard de la ville, croyant l'exorciser et se rapprochant d'autant du destin qu'il voulait éviter.
Un roman hanté par la disparition, par la malédiction proférée par les femmes, par une enfance prisonnière de leur ressentiment, par une éducation féminine faite de mensonges, d'omissions, d'anathèmes qui ont saccagé le héros et sa possibilité d'être un homme et un père. Une descente en enfer à la lisière de la réalité et du fantastique, aussi fascinante qu'inquiétante.